La bonne boîte de Monsieur Poubelle
av Tanya Smirnova

Un voyage olfactif piquant. – Une tâche lourde. – « Parisien tout nouveau » en marche. – L’orduronnance (oui, l’orthographe est correcte) a signé. – Les coquilles d’huîtres favorisées. – La boîte de Pandore est ouverte. – La fin inattendue.
 
 Paris à la fin du 19e siècle (ici il va bien avec un roulement de tambour qui met cet espoir magnétique en musique) … La ville d’âge d’or, qui profite aux esprits inventifs du début du siècle, qui bruit, qui grouille et qui … pue. Vous faites un voyage olfactif où les notes de tête sont les odeurs de matières putrescibles dans les différentes phases du processus de décomposition ; les notes de cœur sont les trognons de choux mélangés aux notes de font très parisiennes, c’est-à-dire les rêves craqués à la Balzac. Les deux millions de Parisiens pratiquent le « tout-à-la-rue » avec leurs restes. Il n’y a rien d’étonnant que les déchets font « partie du décor ».[1]
 
Au Moyen Âge déjà, Paris avait bien mauvaise réputation, les « boues de Paris » et « la puanteur de la capitale étaient célèbres ».[2] De manière enracinée, on déversait les ordures sur la voie publique, par conséquent l’entassements des déchets transformaient les rues de la ville en boue pestilentielle. Bref, vous devinez le reste. 
 
Après la contribution du baron Haussmann, qui s’est acharné à l’amélioration de Paris, tout comme ses successeurs, la grande puanteur a disparue. La théorie des miasmes, qui explique qu’on tombe malade à cause des vents mauvais (ou miasmes putrides et dangereux), est encore en vie. Donc les découvertes de Pasteur sur la transmission des maladies ont réussi et on comprend que les épidémies, comme le choléra, un fléau pour Paris à cette époque-là, vont de pair avec la crasse et le manque d’hygiène. 
 
La ville a eu besoin d’une personne qui pouvait se charger de cette lourde tâche : faire respirer Paris. 
 
Il est venu, en personne, et il s’appelait Eugène Poubelle, jusqu’à présent avec la lettre « P » en majuscule. Il s’est avéré qu’il choquerait les esprits, plus que l’odeur piquante parisienne tristement célèbre. 
 
Monsieur Poubelle était professeur de droit avec une carrière administrative dans les villes provinciales, et tout à fait « parisien tout nouveau ».[3] En plus de ce défaut invincible, il s’est trouvé qu’il était le nouveau « préfet de la Seine », c’est-à-dire le préfet de Paris, en même temps. Il a eu une idée comment se débarrasser des déchets, et de cette manière finir avec l’insalubrité. 
 
Autre temps, autre mœurs, le préfet a réfléchi peut-être[4] et a signé son arrêté qui a obligé les propriétaires d’immeubles parisiens à se procurer « un récipient de bois garni à l’intérieur de fer blanc »[5] pour les ordures ménagères, « de manière que rien ne puisse s'en échapper »[6]. Ces boîtes à ordures avaient une dimension de 80 à 120 litres et portaient un couvercle. Ce décret, signé le 24 novembre 1883, un cadeau de Noël prématuré pour les Parisiens, est entré en vigueur au début de l’année 1884 déjà. Il réglait aussi le ramassage et l’enlèvement des ordures. 
 
L’idée de ramassage des ordures avec des paniers ou des bacs fermés elle-même n’était pas la nouveauté en France. Ce système existait déjà à Lyon depuis 1800. Cependant c’est notable que l’arrêté de Monsieur Poubelle a prévu le tri des déchets : on a attendu avoir une boîte pour des ordures ménagères qui se décomposent vite, une pour les papiers et les chiffons et une pour le verre, la faïence et … un roulement de tambour encore… les coquilles d'huîtres et moules (donc, le pêle-mêle les détritus tranchants). 
 
Et les Parisiens sophistiqués, ont-ils été heureux d’être débarrassé de l'entassements des déchets malodorants ? Pas du tout. L’orduronnance de Monsieur préfet était une idée mal reçue. M. Poubelle a ouvert la boîte de Pandore. Les Parisiens ont été forcé de changer leurs habitudes de traitement des ordures ménagères et payer des nouvelles charges et les concierges – pas syndiqués à ce moment-là mais quand même bruyants – ont protesté contre le surcroît de travail (ils sont sortis dans les rues au petit matin, juste avant le ramassage, et ont descendu des bacs). 
 
Il y avait encore une catégorie maltraitée, assez imprévue : les chiffonniers. C’étaient les gens qui triaient les déchets dans la rue pour récupérer les chiffons « transformés en papier, les graisses qui deviendront du savon, les peaux de bête, etc. ».[7] Il y avait une menace qu’ils perdent leur gagne-pain. Une ribambelle de journalistes s’est battue comme des chiffonniers pour protéger « les gens que M. le Préfet veut jeter à la misère et au vol ».[8] Monsieur Poubelle, une tête de turc de prédilection, a écouté tranquillement tout ce chahut et a changé le programme en peu : les chiffonniers ont eu la permission « de renverser le contenu des boîtes sur une toile pour les trier, et ont disposé d’une heure avant le passage du tombereau ».[9] Voilà ! Les journalistes se sont calmés mais le jugement est resté : M. le préfet, avec son ordonnance boiteusea mis en boîte. Et le préfet est resté sur sa place malgré tout le tollé général.

Mécontents de ce résultat, certes, ils ont toujours eu « une volonté de critiquer et même de ridiculiser le porteur du nom »[10]. Le Figaro a introduit l’appellation moqueuse « des boîtes Poubelle ». Il s’est avéré que les Parisiens ont adopté l’habitude de désigner les boîtes d’ordures du nom du préfet Poubelle plus vite que l’habitude de trier ses coquilles dans les règles de l’art du tri. Dès 1890 les « boîtes Poubelle » sont insérées dans le supplément du Grand Dictionnaire universel du 19e siècle. Petit à petit M. Poubelle s’est vu gratifié aussi bien d’une minuscule et d’un pluriel – les poubelles.
 
Alors, pourquoi Monsieur Poubelle, un haussmannien discret et raillé, incarne, pour moi, la culture française ? Pour commencer, en tant que le préfet, il a succédé au baron Haussmann. Des tâches ont changé mais la résistance était toujours la même. Pourtant, M. Poubelle n’arrêtait pas. Il était le préfet de la Seine pendant plus de douze ans, de 1883 à 1896, et il a continué d’améliorer Paris. En 1894, il a rendu obligatoire le tout-à-l’égout (comme à Londres, un rival éternel de Paris). Ce vainqueur de puanteur, il était imperméable aux coups et savait maîtriser la critique de la presse avec un clin d’œil. À la fin, il a donné tout à la communauté française, même son nom. 
 
Il a devenu l’incarnation de la chose la plus ordinaire et la plus magique - les poubelles. 


[1] https://www.youtube.com/watch?v=Au81sJ1KSHQ. Eùgene Poubelle: une révolution hygiéniste. 
[2] https://www.historia.fr/personnages-historiques/biographies/eugene-poubelle-2052353
[3] https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/07/12/26010-20170712ARTFIG00265-quand-le-prefet-poubelle-donnait-son-nom-a-la-boite-a-ordures.php
[4] Cette petite reconstitution historique a des traces du Nouveau journalisme, mais pourquoi pas ?
[5] https://www.youtube.com/watch?v=Au81sJ1KSHQ
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Poubelle
[7] Agnès Sandras. Eugène Poubelle mis en boîte.
[8] Agnès Sandras. Eugène Poubelle mis en boîte.
[9] Agnès Sandras. Eugène Poubelle mis en boîte.
[10] https://www.lepoint.fr/culture/eugene-poubelle-histoire-d-un-nom-propre-15-04-2021-2422293_3.php#11


 
Sources
 
Diot, Margareta. Franska ord då och nu. Studentlitteratur 1994  
 
Eùgene Poubelle : une révolution hygiéniste (un film). https://www.youtube.com/watch?v=Au81sJ1KSHQ
 
Eugène Poubelle. https://www.historia.fr/personnages-historiques/biographies/eugene-poubelle-2052353
 
Eugène Poubelle : histoire d’un nom propre. 
https://www.lepoint.fr/culture/eugene-poubelle-histoire-d-un-nom-propre-15-04-2021-2422293_3.php#11
 
Sandras, Agnès. Eugène Poubelle mis en boîte. Histoire Urbaine. 2011/2 nr 31 p. 69 à 91
 
Quand le préfet Poubelle donnait son nom à la boîte à ordures. https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/07/12/26010-20170712ARTFIG00265-quand-le-prefet-poubelle-donnait-son-nom-a-la-boite-a-ordures.php
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

[1] https://www.youtube.com/watch?v=Au81sJ1KSHQ. Eùgene Poubelle: une révolution hygiéniste. 
[2] https://www.historia.fr/personnages-historiques/biographies/eugene-poubelle-2052353
 
[3] https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/07/12/26010-20170712ARTFIG00265-quand-le-prefet-poubelle-donnait-son-nom-a-la-boite-a-ordures.php
 
[4] Cette petite reconstitution historique a des traces du Nouveau journalisme, mais pourquoi pas ?
[5] https://www.youtube.com/watch?v=Au81sJ1KSHQ
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Poubelle
[7] Agnès Sandras. Eugène Poubelle mis en boîte.
[8] Agnès Sandras. Eugène Poubelle mis en boîte.
[9] Agnès Sandras. Eugène Poubelle mis en boîte.
 
[10] https://www.lepoint.fr/culture/eugene-poubelle-histoire-d-un-nom-propre-15-04-2021-2422293_3.php#11