L’ESSENCE DE LA CULTURE FRANÇAISE
av Caroline Lannerup
av Caroline Lannerup
La petite fille est venue sur la Côte d’Azur avec ses parents pour y passer les vacances d’été. Pour elle l’aventure commence tôt le matin. Ici, elle a le droit d’aller toute seule à la boulangerie. Sans connaître plus de deux mots, ”bonjour” et ”merci”, en français, sans savoir compter les pièces de monnaies étrangères, elle sautille le long du trottoir. Le portefeuille dans une prise serrée, elle ouvre la porte. Voici les croissants croustillants et feuilletés, et des brioches jaunes d’or et beurrés, toutes faites à la main, le même matin, don’t elle rêve depuis l’année dernière. La chaleur rayonnant à travers le sac en papier au retour de la boulangerie.
L’adolescente, qui a parcouru l’Europe avec le Pass Interrail, se réveille plus tard. Pour elle, le rêve commence à midi. Les camions de nourriture sur la Promenade de la Croisette vendent le pan bagnat, la grande boule de pain farcie d’une salade niçoise. Le plat parfait pour déjeuner, et en tant qu’adolescente, elle n’est jamais rassasiée au point de ne pas pouvoir manger de beignets aux pommes après. L’arôme doux des beignets, fraîchement frits, tourbillonne hors du camion et enveloppe toute la plage.
Juste après avoir sauté d’un des nouveaux vols pas chers atterrissant à Beauvais, la jeune femme, passionnée de mode française, passe la journée à regarder les nouveautés dans lesgrands magasins, Galeries Lafayette et Printemps. Après des années, comme le goût se développe, même si elle ne peut toujours pas se permettre de faire autre chose que d'admirer les vêtements, elle dirige les pas à la place vers Leclaireur, pour toucher, ou même essayer, les vêtements des collections prét-à-porter des maisons de Haute Couture.
En comparaison avec les prix autour de la Rue du Faubourg Saint-Honoré, les pâtisseries, même dans les meilleures boulangeries, sont abordables. En passant devant elles, au retour de l’hôtel dans l’aprés-midi, elle a toujours le temps et l’espace pour une tarte aux fraises, ou un éclair au chocolat. Il y a vraiment quelque chose dedécadent et typiquement français dans les vitrines pleines de gâteaux brillants et collants de gelée et de glaçage.
La phrase ”Qu’ils mangent de la brioche”, souvent attribuée à tort à la reine Marie Antoinette, dit quelque chose sur la signification de pain en France. Mais, dans le film Marie-Antoinette, réalisé par Sofia Coppola en 2006, ce n’est pas le pain ou les brioches quiillustrent la vie somptueuse à la cour, mais plutôt les pâtisseries de couleur rose, jaune et violet claire. Le film a fait fameux la pâtisserie Ladurée et leurs macarons. Les macarons sont des petits biscuits à base d'amandes fourrés à la crème au beurre. Ils viennent en toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et en nombreux goût. Il ne s'agit pas du tout d'une confiserie vraiment spéciale, c'est une bouchée avec plus de surface que de contenu, vite oubliée après l'avoir avalée. Néanmoins, les macarons de Ladurée ont fait une marche triomphale à travers le monde après le film.
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La femme d’âge moyen sort de la gare et marche le long d’une des petites rues transversales et tourne vers l’ouest sur la Rue d’Antibes. Cette fois, elle se contente de regarder dans les vitrines des boutiques exclusives. Elle est sur le point de satisfaire un autre besoin.
Le restaurant est une institution cannoise depuis 1966. Elle y mange à chaque visite à Cannes, depuis quarante ans. Les plats du Caveau 30 sont toujours bons mais le moment qu’elle apprécie le plus c’est quand le verre de vin (un rosé de Bandol) et la corbeille de pain arrivent. Le pain n’a rien de spectaculaire, une baguette très ordinaire. Mais, à présent, la femme sait qu'il n'y a rien de banal à propos d'une authentique baguette française.
La baguette est un pain fait d’ingrédients simples et bon marché. C'est une pâte de base pour faire du pain qui existe dans de grandes parties du monde, mais nulle part le résultat n'est aussi étonnant qu'en France. Si le macaron est superficiel on peut dire le contraire de la baguette. Il n'y a rien sur l'extérieur des petites tranches modestes qui révèle le contenu incroyable.
Il est stipule dans la loi que pour le pain allongé à vendre sous la dénomination de: ”pain traditionnel de France”(1) il doit être composéexclusivement d'un mélange de farine de blé, d'eau et de sel de cuisine, et fermenté à l'aide de levure de panification et de levain. La baguette doit être faite à la main et vendue au même endroit là où elle est cuite. En 2018, la fabrication de ce pain a été ajoutée à l'inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France.(2)
La femme se penche en arriére et regarde la mer. Tandis que les derniers rayons du soleil scintillent dans les eaux bleues de la Méditerranée, l'appellation d'origine contrôlée garantit le vin qu'elle boit, la Fédération de la Haute Couture et de la Mode protège la mode qu'elle admire, et le Décret no 93-1074 assure le pain qu'elle grignote. Le pain, dont elle rêve depuis l'année dernière. Le pain, qui est l'essence de la culture française.
(1) Décret n 93-1074 du 13 septembre 1993 pris pour l'application de la loi du 1er ao t 1905 en ce qui concerne certaines catégories de pains. www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000727617
(2) fr.wikipedia.org/wiki/Baguette_(pain)