La langue française et l’ésprit à la française
av Hans Ahlström
av Hans Ahlström
Qu’est-ce que c’est l’esprit à la française? Comment définir quelque chose si grande, si multiforme, si abstrait ? Après un moment de réflexion, j'arrive à la conclusion que l'esprit à la française repose en grande partie sur la langue française. Lorsque vous écoutez du français, parlez français, écrivez en français, vous ressentez directement cette esprit – ou du moins sa surface. En dessous, se cachent la France et la francophonie mondiale, l’histoire, les cultures, les tempéraments, les attitudes françaises envers le monde et la vie.
Alors, comment décrire ce lien entre langue et esprit ? Un point de départ approprié devrait être la plus classique des devises françaises : « liberté, égalité, fraternité ». Trois mots qui définissent le début d’un nouvel esprit du temps : la transition de l’ancien régime français, aussi avec ses citations classiques, ou plutôt infâmes : "L'état c'est moi" (Louis XIV), "Après nous, le déluge" (Mme de Pompadour) et "Qu'ils mangent de la brioche" (Marie-Antoinette, mais probablement inventée) à une société moderne et démocratique. Ici, quelques mots de la langue française illustrent bien des événements historiques qui ont contribué à façonner cet esprit à la française.
Également dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, la révolution française, en combinaison avec le concept de la séparation des pouvoirs défini par le baron de Montesquieu, a inspiré l'émergence de la gouvernance républicain et démocratique. Ainsi, grâce à ces mots révolutionnaires et ces concepts françaises, certaines aspects de l'esprit à la française se sont établies autour du monde; des éléments de pensée philosophique, ainsi qu'un esprit de rébellion et une tendance au conflit. La combativité et la colère des Français – stéréotypée ou non – ont trouvé une de ses incarnations dans le capitaine Haddock (des bandes dessinées Tintin), dont les innombrables invectives ont été traduites dans des nombreuses langues ; « Crétins, troglodytes, ectoplasmes, flibusters « sont des expressions typiques qui ont véhicule cette partie de l'identité française à des millions de lecteurs dans le monde entier.
Mais revenons aux francophones plus intellectuels, particulièrement Jean-Paul Sartre, l'image même de l'intellectualisme français – assis dans un café parisien, buvant une espresso, la pipe dans le coin de la bouche. Les livres et les pensées de Sartre, en particulière de l’existentialisme, font partie de ce qu’on aujourd’hui considère comme l'esprit à la française. Sans surprise, le nom de son autobiographie est Les Mots.
Bien sûr, le lien entre la langue française et l’esprit à la française ne concerne pas seulement les contextes de l’histoire, la politique, la philosophie et les bandes dessinées. Aussi les sons de la langue, pas des moindres les sons des noms des lieux françaises, donnent une idée de cet esprit ; Champagne, Champs-Élysées, Chamonix-Mont-Blanc, La Côte d’Azur, Saint Tropez, Saint-Barthélemy. Si vous aimez La France et son esprit, vous avez probablement envie d'y aller, en entendant ces noms si suggestives. Alternativement de lire des histoires qui se passent là (ou dans d'autres localités françaises avec des noms moins suggestives) par des maîtres de la langue française comme Proust, Simenon, Duras, Sagan, par exemple.
Un autre aspect géographique de cette question est la façon dont la langue française a relié la culture française à l'échelle mondiale – ce qu'on appelle la Francophonie. L'esprit à la française prend ici une dimension plus large, avec des éléments d'autres cultures, coutumes et variations linguistiques.
À mon avis, les cultures des tous ces pays et localités où on parle la langue française ; de la patinoire de hockey sur glace au Québec, de la cuisine créole en Louisiane américaine, des bazars au Maroc ou de l'industrie de la pêche en Guyane Française, font partie de l'esprit à la française. La description d'Albert Camus dans L’étranger de la vie d'un jeune homme sous le soleil fort d' l'Algérie coloniale est aussi un expression de cet esprit, au sens large.
Un aspect particulier de la langue française, que ce soit en France ou dans d'autres régions de la Francophonie, est l'insolite différence entre le français parlé et la langue écrite – une fait qui rend plus compliquée la vie pour ceux qui veulent apprendre le français correct. Mais peut-être retrouve-t-on ici aussi, dans l'exprimé si différent de l’écrit, une partie de l'esprit à la française – une sorte de poésie du son, une sensualité, avec des éléments à la fois d’élégance, d’attitude et, pas des moindres, de joie de vivre.
L’écrivain Michel Eltchaninoff, dans l’article « Les six sommets de l‘Hexagone » a ces propres pensées de l’esprit dont nous parlons: « Panache et arrogance, élégance et futilité, galanterie et gauloiserie : s’il existe, et à condition que cette notion ait encore un sens à l’ère de la mondialisation, l’esprit français tient son essence particulière du fragile équilibre entre ces oppositions. «
Alors, avec tout ce qui précède, je crois avoir trouvé certaines éléments incluses dans une définition crédible de l'esprit à la française en tant que fonction de la langue française. Un autre écrivain qui résume sa propre définition, en une manière intéressante selon moi, est Gilles Siouffi, citant l'historien littéraire français, Désiré Nisard, dans un épisode de le texte Du « génie de la langue » à l'« esprit français » :
« l’image la plus exacte de l’esprit français est la langue française elle-même. » Voici une citation fort connue de Désiré Nisard qui s’impose presque d’elle-même. « L’esprit français » étant difficile à définir, il se rabat sur la langue : « À défaut d’une définition précise et directe, l’esprit français se caractériserait suffisamment par la nature même de la langue française, par sa constitution, par ses qualités, qui, entre toutes les langues littéraires modernes, la rendent plus propre à exprimer des idées générales » . Ce faisant, il s’inscrit dans la continuité du long mouvement qui, depuis le XVIe siècle, a fait en France de la langue un pôle d’identification, avant que ne le deviennent à leur tour le peuple ou la nation. Si la langue peut être considérée comme une « image » de l’esprit, ainsi que le dit Nisard, c’est qu’elle crée un sentiment d’appartenance, et qu’elle fonde également une communauté imaginaire, qui réunit des membres qui ne sauraient se connaître les uns les autres. Aussi est-il pertinent de s’interroger sur la place singulière de la langue, de ce qu’on imagine à partir de ce qu’elle nous présente, de ce qu’on projette sur elle, dans la construction du motif de « l’esprit français ».
La langue comme une image de l’esprit. Oui, je suis d’accord, la langue française est la représentation la plus complète de l’esprit à la française – ou du moins, sa surface.
Sources :
Wikipedia : Vocabulaire du capitaine Haddock
https://fr.wikipedia.org/wiki/Vocabulaire_du_capitaine_Haddock
Liste des livres de Jean-Paul Sartre
https://www.babelio.com/liste/4508/Jean-Paul-Sartre
Wikipedia : Organisation Internationale de la Francophonie
https://sv.wikipedia.org/wiki/Organisation_internationale_de_la_Francophonie
Philosophie Magazine : Les six sommets de l’Hexagone
https://www.philomag.com/articles/les-six-sommets-de-lhexagone
Revue d’Histoire littéraire de La France #23 : Article de revue Du « génie de la langue » à l'« esprit français »
https://classiques-garnier.com/revue-d-histoire-litteraire-de-la-france-3-2022-122e-annee-n-3-varia-du-genie-de-la-langue-a-l-esprit-francais.html